"Politiques de Baudelaire" de Pierre Laforgue
La dimension politique du texte baudelairien n'est pas ce qui est le plus connu de ses lecteurs et sans doute des agrégatifs. L'essai de Pierre Laforgue traite cette question d'une façon qui m'a paru extrêmemnt convaincante.
L'introduction explique le choix du pluriel pour le titre, pluriel qui s'impose dès lors que l'on est plus sensible aux évolutions de la pensée de baudelaire que soucieux de la cerner dans une unité artificielle.
L'introduction contient des mises en garde salvatrices: Baudelaire est un homme du 19ème siécle et il ne faut jamais le déhistoriciser, en niant qu'il est un romantique, en niant qu'il a des points communs avec Victor Hugo.
La démarche de P. Laforgue est de ne pas baser ses analyses sur des éléments extérieurs (il rappelle ainsi que si Baudelaire s'est parfois réclamé de Joseph de Maistre, c'est quelque chose qui n'apparaît pas dans les textes.) et son but de définir non pas une politique de l'homme Baudelaire mais une politique du texte.
Les agrégatifs peuvent se contenter de lire l'introduction et les trois chapitres respectivement consacrés aux poèmes "Le vieux Saltimbanque", "Une Mort héroïque" et "Assommons les pauvres". L'ouvrage de Steve Murphy, Logiques du dernier Baudelaire proposait déjà des analyses très éclairantes sur ces poèmes mais il faut aussi lire celles-là. La démarche de Pierre Laforgue est de partir de détails du texte souvent négligés pour sortir d'analyses installées et peut-etre même figées. Ainsi, dans le chapitre" Le Peuple en vacances", c'est le motif de la foule qui amène l'auteur à voir le vieux saltimbanque comme le roi détrôné du carnaval. Le chapitre consacré à "Une Mort héroïque" nous rappelle que Fancioulle est quant à lui non pas un saltimbanque mais un bouffon, personnage romantique anachronique en 1860. P. Laforgue fonde son étude sur l'idée de la "querelle de légitimité" entre Fancioulle et le Prince, le seul roi existant depuis l'abdication de Charles X étant le poète.
Enfin, le chapitre "D'un dandysme" révolutionnaire" évoque le poème "Assommons les pauvres !". P.Laforgue établit une bonne fois pour toutes qu'il faut garder l'apostrophe finale à Proudhon comme le fait l'édition au programme. Il insiste aussi sur la dimension violemment comique du texte, sur l'invraisemblance absolue de la situation, deux réalités à prendre en compte si l'on veut que notre interprétation ait quelque valeur. Pour P. Laforgue, c'est la mort de Proudhon qui ramène Baudelaire à ses idéaux de 1848. Or, 1848 n'est plus, et cet anachronisme va mener l'essayiste à dégager la figure paradoxale d'un dandy socialiste, autrement dit à donner une signification politique au dandysme.
FV
A lire donc non seulement dans l'optique de l'explication de texte, de l'étude littéraire ou d'une leçon sur "La politique" mais aussi d'autres sujets tels que "Dandy, dandysme", "Le peuple", "La violence", etc.