Programme 2015 : Explication de texte

> Baudelaire – Le Spleen de Paris

"Le chien et le flacon" : un poème sans qualités ? 

Explication de texte

Par Jean-Michel GOUVARD
Université de Bordeaux-Montaigne – EA 4195


 

« Le chien et le flacon » est l’un des poèmes du Spleen de Paris qui a suscité le moins de commentaires et d’analyses. Ainsi que l’écrit Sonya Stephens, cela tient en partie à ce que ce texte « semble représenter la limite inférieure de la poésie, non plus suggestive, mais expliquée de manière appuyée(1)». De fait, en comparaison avec des pièces telles que « Mademoiselle Bistouri », « Assommons les pauvres ! », « La corde », « Le thyrse » ou encore « Le joujou du pauvre », dont la composition est à l’évidence plus complexe, et l’interprétation plus problématique, cette pièce semble ne dérouler qu’une allégorie transparente qui stigmatise le mauvais goût du « public », et son incapacité à apprécier la poésie : 

 

Le chien et le flacon 

 

     « – Mon beau chien, mon bon chien, mon cher toutou, approchez et venez respirer un excellent parfum acheté chez le meilleur parfumeur de la ville. » 

     Et le chien, en frétillant de la queue, ce qui est, je crois, chez ces pauvres êtres, le signe correspondant du rire et du sourire, s'approche et pose curieusement son nez humide sur le flacon débouché ; puis reculant soudainement avec effroi, il aboie contre moi, en manière de reproche. 

     « – Ah! misérable chien, si je vous avais offert un paquet d'excréments, vous l'auriez flairé avec délices et peut-être dévoré. Ainsi, vous-même, indigne compagnon de ma triste vie, vous ressemblez au public, à qui il ne faut jamais présenter des parfums délicats qui l'exaspèrent, mais des ordures soigneusement choisies. »

 

 

Cette lecture monologique s’impose d’autant plus facilement que le texte fait partie des « premiers poèmes » du recueil, dont le regroupement est légitimé par le fait qu’ils furent réunis du vivant de Baudelaire, dans La Presse du 26 août 1862(2). Or, ces pièces liminaires déroulent pour la plupart d’entre elles une allégorie qui vise à représenter tel ou tel aspect de la condition du poète dans le monde moderne – allégories dont l’interprétation est également assez transparente, du moins avec « L’étranger », « Le Confiteor de l’artiste » et, dans une moindre mesure, « La chambre double ». 

 

Par ailleurs, le poème repose sur un schéma narratif binaire, avec un mouvement d’attraction, suivi d’une phase de répulsion, selon une dynamique actantielle et verbale caractérisée par sa violence, qui vise à provoquer le lecteur en allant à l’encontre des codes socio-culturels censés être les siens. Si ce schéma se retrouve dans diverses pièces du recueil(3), il est particulièrement présent dans les poèmes parus le 26 août 1862, puisqu’il structure également « L’étranger », « Le désespoir de la vieille », « Un plaisant », « La chambre double », « Le fou et la Vénus » et « Le mauvais vitrier ». Dans tous ces titres, le protagoniste se retrouve isolé, et est dans un rapport conflictuel avec son entourage, qu’il s’agisse d’un interlocuteur que tout oppose à celui qu’il interroge ; d’un taudis sous les toits ; d’un jeune homme incarnant à lui seul tout l’esprit du Second Empire ; d’un « joli enfant » ; ou d’un chien « semblable au public ». Cette similitude formelle d’une pièce à l’autre contribue, tout autant que la dimension allégorique intrinsèque, à valider la lecture transparente et non-problématique du « Chien et le flacon », qui semble n’être qu’une variation parmi d’autres à partir d’une même stratégie de composition. 

 

A ces éléments internes, s’ajoutent les indices textuels qui tendent à apparier ce poème à une fable. Le titre même, « Le chien et le flacon », évoque les fables de La Fontaine, sur le modèle du « Loup et le chien » (Livre I, fable 5), du « Loup et le chien maigre » (Livre IX, fable 10), de « L’âne et le petit chien » (Livre IV, fable 5) ou encore de « L’âne et le chien » (Livre VIII, fable 17)(4), avec son univers animal, allégorique de celui des hommes. Et, dans le troisième paragraphe, la formule « vous ressemblez au public, à qui il ne faut jamais présenter des parfums délicats qui l'exaspèrent, mais des ordures soigneusement choisies » sonne comme une « morale », avec sa tournure impersonnelle, son présent de vérité générale, son infinitif, et sa visée générique. Tout comme dans une fable, Baudelaire termine son allégorie en dégageant non seulement l’enseignement que le texte est censé apporter, mais en livrant partiellement une clé de lecture, puisque si le chien « ressemble au public », le locuteur, quant à lui, ressemble au poète. 

 

On peut toutefois s’interroger sur la nécessité ou, plutôt l’absence de nécessité, d’une telle explicitation. Car, que Baudelaire eût ou non fourni cette clé, le lecteur aurait compris que le poète ne cherchait pas seulement à relater une anecdote au sujet d’un chien, quand bien même il en tirait une « morale », mais à incarner, à travers elle, une « idée », tant l’allégorie est ici transparente. Et le fait d’éclairer ce qui ne méritait pas de l’être ne fait qu’accentuer la faiblesse apparente du texte. Mais cette faiblesse pourrait-elle être voulue par l’auteur ? Ou, pour le dire autrement, sous son apparente simplicité, ce poème ne dissimulerait-il pas une intention plus retorse qu’il n’y paraît ? Sans aller jusqu’à faire du « Chien et du flacon » un texte de même envergure que « La corde » ou « Mademoiselle Bistouri », c’est ce qu’ont déjà eu l’occasion d’avancer, selon des approches différentes, quoique complémentaires, Jérôme Thélot et Steve Murphy, entre autres en soulignant tout ce que la dimension scatologique du texte pouvait avoir de choquant pour le lecteur de l’époque, et comment le poète lui-même avait investi cet imaginaire pour se l’approprier(5). Nous souhaiterions compléter ici leurs suggestions, en nous attachant à certaines propriétés stylistiques du poème. 

 

**** 

 

La triple apostrophe qui ouvre le poème, « Mon beau chien, mon bon chien, mon cher toutou », se caractérise par son emphase. Celle-ci se traduit tout d’abord par le parallélisme syntaxique induit, avec le possessif de première personne « mon » en tête de chaque constituant, suivi à chaque fois d’une épithète, puis d’un nom. Les deux premiers syntagmes nominaux sont très proches l’un de l’autre, aussi bien par leur prosodie, avec leurs trois syllabes respectives, et leur euphonie, avec l’écho de la consonne nasale entre « beau » et « bon », et la répétition pure et simple du nom qui sert à la dénomination du référent, « chien ». Ce terme est le terme superordonné usuellement employé pour désigner cet animal, de préférence à des termes tels que « danois, king-charles, carlin », qu’utilise Baudelaire dans « Les bons chiens », et qui sont des termes subordonnés. Dans cette perspective, « toutou », qui apparaît dans la dernière apostrophe, contraste avec « chien », non seulement parce qu’il induit une rupture de registre, « toutou » relevant de la langue familière, contrairement à « chien » qui n’est pas marqué sur le plan sociolectal, mais aussi parce qu’il introduit une dimension hypocoristique qui, dans les deux syntagmes nominaux précédents, n’étaient exprimés que par le déterminant possessif et l’adjectif : « toutou » ne s’emploie dans la langue orale que pour marquer son affection envers le chien ainsi désigné, et s’oppose par exemple, dans son aire sémantique, à « clebs » et « clébard », qui sont connotés péjorativement. Ce décalage linguistique entre « chien » et « toutou » induit une valorisation de la dernière apostrophe, laquelle est renforcée par le choix de l’épithète « cher ». En effet, « beau » et « bon » sont non seulement deux adjectifs fréquemment associés en langue, comme dans l’expression « bel et bon », mais ils sont surtout usuellement employés pour marquer l’affection que l’on porte à son chien, dont on dira volontiers qu’il est « beau » et/ou « bon », alors que l’adjectif hypocoristique « cher » n’est en rien réservé aux canidés, et s’emploie pour marquer son affection envers des êtres humains. Enfin, « toutou » étant bisyllabique, ce troisième syntagme amorce une cadence majeure, ce qui le distingue sur le plan prosodique des deux précédentes apostrophes, qui sont quant à elles dans un rapport d’isocolie. Tous ces phénomènes concourent à produire un effet d’emphase appuyé, et à accentuer la coloration hypocoristique de l’énonciation. 

 

Ce dispositif ne semble cependant pas avoir pour seule visée d’exprimer emphatiquement l’attachement du maître pour son chien. Si l’on applique rétrospectivement la grille de lecture que le texte suscite et suggère tout à la fois, et que l’on fait du chien un alter ego du lecteur, la triple apostrophe apparaît comme une captatio benevolentiae, un procédé qui vise à capter l’attention bienveillante du chien-public, mais qui, par le caractère décalé de l’analogie ainsi sous-entendue, ne saurait être qu’une parodie de cette technique qui n’est pas seulement rhétorique, mais qui constitue aussi un cliché de la poésie lyrique, et ce depuis l’Antiquité. Baudelaire a d’ailleurs joué avec cette convention dès Les Fleurs du mal, un recueil qui s’ouvre sur un prologue « Au lecteur », où le poète qualifie celui-ci d’hypocrite, et qui se poursuit par un premier poème intitulé « Bénédiction » où se multiplient les malédictions(6). Quant au Spleen de Paris, il débute par la célèbre lettre « A Arsène Houssaye », dont la dimension ironique ne fait pas de doute, puis se continue par « L’étranger », dont le protagoniste revendique d’être tout ce que son interlocuteur n’est pas, et se définit ainsi comme son envers. 

 

Ainsi, l’emphase appuyée de l’incipit du « Chien et le flacon » rentre-t-il dans une stratégie baudelairienne qu’il conviendrait plutôt de dénommer captatio malevolentiae, car elle invite à prendre quelque distance avec une lecture littérale de ces apostrophes, qui la réduirait à la simple démonstration de l’affection du locuteur pour son chien. Une posture, sous le plume de Baudelaire, qui est d’autant plus surprenante que le poète n’a guère manifesté la moindre empathie pour les chiens, contrairement aux chats, que la tradition populaire considère comme leurs ennemis ancestraux. Dans le texte qui vient clore le recueil, « Les bons chiens », les « bons » chiens sont « les pauvres chiens, les chiens crottés, ceux-là que chacun écarte, comme pestiférés et pouilleux, excepté le pauvre dont ils sont les associés, et le poëte qui les regarde d'un oeil fraternel », et ils rejoignent momentanément les autres analogues du poète que sont, dans Le Spleen de Paris, les pauvres, les vieillards, les veuves, les mimes et les saltimbanques(7). Mais le « cher toutou » du « Chien et du flacon » n’est pas de ceux-là ; bien au contraire, il ressemble au « chien bellâtre » sur lequel le locuteur des « Bons chiens » jette l’opprobre : 

 

     Fi du chien bellâtre, de ce fat quadrupède, danois, king-charles, carlin ou gredin, si enchanté de lui-même qu'il s'élance indiscrètement dans les jambes ou sur les genoux du visiteur, comme s'il était sûr de plaire, turbulent comme un enfant, sot comme une lorette, quelquefois hargneux et insolent comme un domestique ! Fi surtout de ces serpents à quatre pattes, frissonnants et désoeuvrés, qu'on nomme levrettes, et qui ne logent même pas dans leur museau pointu assez de flair pour suivre la piste d'un ami, ni dans leur tête aplatie assez d'intelligence pour jouer au domino ! 

     A la niche, tous ces fatigants parasites! 

 

Les deux impératifs qui suivent l’apostrophe du « Chien et le flacon », « approchez et venez respirer », introduisent un vouvoiement qui, tout comme l’adjectif « cher » appliqué à « toutou », est décalé par rapport aux usages sociolinguistiques, puisque l’on s’adresse aux chiens en les tutoyant. Le choix de cette forme se colore donc d’une dimension ironique, le maître apparaissant comme beaucoup trop respectueux envers son chien, et se peignant ainsi, en creux, comme un personnage quelque peu grotesque. En même temps, l’emploi de ce vouvoiement prépare la lecture allégorique du texte, grâce à laquelle ce chien prendra une dimension « humaine » en devenant le « public » – un comparant qui concorde mieux avec l’emploi du pronom de cinquième personne. Cette amorce de personnification du chien trouve également un écho dans « respirer un (…) parfum », où un tel emploi du verbe suppose a priori un actant humain, et non un animal, pour lequel il eût été préférable d’employer des verbes tels que « flairer » ou « renifler ». 

 

De même, on peut avoir le sentiment que l’emphase qui caractérise la triple apostrophe trouve un prolongement dans le choix des adjectifs superlatifs « excellent » et « meilleur », et dans l’homéotéleute qui vient frapper le syntagme nominal « meilleur parfumeur », laquelle est une figure traditionnellement associée à la tonalité emphatique en rhétorique. Mais, là encore, des doutes se font jour quant au bien-fondé d’une lecture littérale. Les adjectifs « excellent » et « meilleur » sont certes laudatifs, mais en même temps très conventionnels. Le polyptote « parfum / parfumeur » qui scande « un excellent parfum acheté chez le meilleur parfumeur » peut paraître maladroit, dans la mesure où il a un caractère redondant : où peut-on acheter un parfum, sinon chez un parfumeur ? Et l’on retrouve une même redondance sémantique avec les deux impératifs « approchez et venez ». 

 

Ces procédés trop appuyés peuvent être tels à seule fin de souligner la confiance et la naïveté du « maître », et de mieux faire ressortir ensuite sa déception : le texte s’apparente à une charge, et il est donc susceptible d’intégrer des techniques que l’on trouve par ailleurs dans la caricature et le pamphlet, où il n’est pas rare que l’auteur se montre plus naïf qu’il ne l’est pour mieux dénoncer un comportement qu’il condamne. Mais ils peignent ainsi la voix d’un « maître » qui se démarque de la figure du poète proprement dite. Ce peut être celle d’un poète, mais sans que cela soit nécessairement celle de Baudelaire. 

 

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Le second alinéa s’ouvre sur un « Et » dit d’enchaînement assez traditionnel, qui relie le discours rapporté au style direct du premier paragraphe avec cette seconde séquence, qui tranche par sa dimension narrative. Le syntagme nominal subséquent, « le chien », détonne par rapport à la coloration aussi bien emphatique qu’hyporistique des apostrophes de l’incipit. La dénomination est ici d’une grande sobriété, puisqu’elle se réduit à un syntagme nominal minimal, avec un nom déterminé par un article défini. Ce changement de ton prépare la chute, qui fera du « cher toutou » un « misérable chien », en commençant de modifier la représentation initiale de l’animal. 

 

Le complément modal apposé, « en frétillant de la queue », reprend un lieu commun du comportement de cet animal, dont la banalité est renforcée par la banalité même avec laquelle l’attitude est décrite, si ce n’est que « frétiller » marque un peu plus l’excitation du chien que ne le ferait « remuer », de telle sorte que cette première posture contrastera d’autant mieux avec l’« effroi » du chien à la fin du même paragraphe. La relative indéfinie qui vient compléter ce gérondif, « ce qui est, je crois, chez ces pauvres êtres, le signe correspondant du rire et du sourire », va dans le même sens, dans la mesure où elle n’apprend rien sur le plan sémantique : chacun sait que le fait de remuer la queue manifeste, chez le chien, un sentiment positif. Cette précision apparaît d’autant plus superfétatoire qu’elle est quelque peu ampoulée dans sa forme, avec (i) l’insertion du modalisateur « je crois », qui présente comme possible une interprétation que tout le monde recevra comme certaine, et qui apparaît ainsi comme une affectation oratoire de la part du narrateur ; et avec (ii) le choix de la périphrase nominale « ces pauvres êtres », qui se veut emphatique et compatissante, mais se révèle, par le décalage de registre qu’elle instaure, elle aussi trop affectée pour être prise tout à fait au sérieux. Ainsi, malgré l’attaque assez neutre que constituait « Et le chien », le lecteur retrouve très vite dans ce second alinéa la « voix » du personnage qui s’était fait entendre dans le premier, un personnage qui a une forte tendance à s’exprimer en recourant à des procédés d’emphase que l’on ne peut que trouver quelque peu excessifs appliqués au sujet que le texte développe. Il en va de même du polyptote lexical, « du rire et du sourire », ponctué d’un homéotéleute qui le met en relief, où le second terme, « sourire », répète en partie, sur le plan sémantique, l’interprétation du frétillement de la queue que le premier, « rire », suffisait à saturer. 

 

Les deux verbes coordonnés, « s'approche et pose son nez humide », font écho aux deux impératifs de la répartie initiale, « approchez et venez respirer », la répétition du verbe « approcher » soulignant plus encore le parallèle. Ce procédé s’apparente à une technique narrative propre à la fable, un genre que le titre évoquait déjà ainsi qu’on l’a vu. Il facilite la mise en place du scénario, puisque, d’une certaine manière, le présent de narration de ces deux verbes réalise, dans l’instant, l’ordre que les impératifs avaient intimé. Tout comme avec « respirer », le second terme, « pose son nez humide », tend à humaniser le chien, puisque le « nez » est un attribut typiquement humain, qui se substitue ici au « museau » ou à la « truffe ». Corollairement, à cause de cette impropriété même, la périphrase « son nez humide » apparaît quelque peu affectée, et donc comique, tout comme l’était « mon cher toutou », par exemple. Elle l’est d’autant plus qu’elle est précédée de l’adverbe modal « curieusement », qui a ici son sens classique, et signifie donc « avec curiosité » – et non « de façon curieuse, bizarre, étrange », au sens moderne – : il représente un comportement typique du chien, qui fait montre de curiosité dans la manière dont il flaire le flacon débouché, tout comme il reniflerait le repas qu’on lui sert ou… « un paquet d’excréments ». Et cette représentation contraste avec le « nez humide » et très humain dont il est affublé aussitôt après. 

 

La dernière proposition est à l’unisson de celles qui précèdent, puisque la réaction négative du chien, qui amènera la malédiction finale, est mise en scène par une participiale apposée, « puis reculant soudainement », avec encore une fois un homéotéleute, qui repose ici sur la voyelle nasale « an / en ». Baudelaire joue ici sur la lourdeur des nasales pour mimer le mouvement de recul du chien, selon un procédé qu’il emploie à diverses reprises dans Le Spleen de Paris, par exemple dans « Les veuves », avec « C’était une de ces solennités sur lesquelles, pendant un long temps, comptent les saltimbanques », pour traduire la solennité appuyée que le texte énonce, ou encore dans « La chambre double », avec « Je vous assure que les secondes maintenant sont fortement et solennellement accentuées, et chacune, en jaillissant de la pendule, dit (…) », afin de mieux faire sentir le poids de chaque seconde qui passe. Dans « Le chien et le flacon », le procédé vise toutefois avant tout un effet cocasse, qui est amplifié par la proposition à laquelle se rattache cette participiale, « avec effroi, il aboie contre moi », où l’on entend distinctement le chien aboyer, avec les trois occurrences de la séquence phonétique [wa] via la graphie « oi » : « wawawa ». 

 

A l’instar de la glose « ce qui est, je crois, chez ces pauvres êtres, le signe correspondant du rire et du sourire », qui ouvrait le paragraphe, le syntagme prépositionnel qui le clôt, « en manière de reproche », n’apporte aucune information nouvelle car, de même que le lecteur sait qu’un chien qui frétille de la queue manifeste sa satisfaction, il sait qu’un chien qui recule en aboyant exprime une posture exactement inverse. L’inutilité sémantique de cette précision peut s’interpréter comme un procédé pour souligner le comportement inopportun du chien, et donc l’ironie du texte, mais le fait que cette expression était déjà perçue comme vieillie au milieu du XIXe siècle peint aussi en creux le locuteur qui endosse cet énoncé comme un individu quelque peu précieux ou affecté dans son élocution – ainsi que d’autres indices textuels l’ont déjà suggéré. 

 

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L’attaque du troisième et dernier alinéa, « Ah ! misérable chien », contraste avec la triple apostrophe de l’incipit. Le contraste est sémantique, « misérable » étant à l’opposé des qualifications qu’induisaient « beau / bon / cher », et le renversement de point de vue est d’autant plus sensible que l’adjectif est antéposé, ce qui tend à le valoriser puisqu’il aurait tout aussi bien pu être postposé – contrairement à « beau / bon / cher », dont le placement devant le nom est contraint. L’opposition est accentuée par l’unicité de cette apostrophe dépréciative, qui la distingue des apostrophes laudatives que le locuteur répétait à l’envi, comme s’il se complaisait à ressasser l’affection qu’il porte à son chien. La condamnation n’en est cependant que plus intense, et définitive, du fait de cette unicité même. L’interjection « ah ! » qui précède contribue également à ponctuer l’attaque, par l’expression infra-linguistique du sentiment de répulsion qu’éprouve le locuteur, comme si, dans un premier temps, il n’était pas capable d’exprimer sous une forme linguistique ce qu’il éprouve. 

 

La suite de la répartie prolonge cette opposition initiale, en associant l’idée d’offrande à la représentation d’un « paquet d'excréments », l’acte en lui-même et la nature du don étant a priori peu compatibles, puis en évoquant le chien qui aurait « flairé avec délices » ces déjections. Alors que dans les deux premiers paragraphes le chien était invité à « respirer un parfum » et à « poser son nez humide » sur le flacon, autant de représentations qui, comme on l’a vu, tendait à l’humaniser, il retrouve ici sa dimension canine, puisqu’il est dépeint en train de « flairer », et ce, au moment même où le lecteur accède à la clé interprétative qui en fait pourtant un analogue du « public », et donc d’un être humain. Ce rappel de l’appartenance de l’animal à la famille des canidés est encore renforcé par l’évocation du fait qu’il serait même capable de « dévorer » les excréments, le chien étant bien connu, dans la culture populaire, pour être coprophage. Ainsi, à travers ces jeux d’oppositions sémantiques, ce n’est pas seulement le chien qui redevient chien, mais, avec lui, le public qui se fait chien. 

 

Le procédé de l’écriture contrastive se poursuit encore avec l’écho paradoxal qui résonne entre les « parfums délicats » et les « ordures soigneusement choisies » : si les adjectifs sont plus ou moins synonymes, les deux noms s’opposent l’un à l’autre, et le syntagme « ordures soigneusement choisies » constitue même un paradoxe, puisqu’un objet ne saurait être catalogué dans la catégorie des « ordures » et, en même temps, être « choisi », les ordures étant par définition ce que l’on a choisi d’écarter, ce que l’on a choisi de ne pas choisir. Le complément est donc particulièrement ironique, ironie qui ressort du parallèle avec les « parfums délicats », mais que renforce aussi le complément de l’adjectif, « soigneusement », qui sonne lui aussi comme un terme employé par antiphrase. 

 

Enfin, la double apostrophe, « vous-même, indigne compagnon de ma triste vie », parachève le système contrastif, par le renversement explicite du stéréotype du « fidèle compagnon », qui, de « fidèle », devient « indigne », et n’apporte aucun réconfort à la « triste vie » qui est celle de son maître. On notera aussi l’emploi emphatique du vouvoiement, via le syntagme pronominal « vous-même », où le déictique « vous » est renforcé d’une particule intensive qui souligne d’autant plus l’effet – et le ridicule qu’il y a à vouvoyer non seulement un chien, ainsi qu’on l’a vu, mais celui-ci tout particulièrement, compte-tenu du comportement qu’il vient d’afficher et qui n’appelle nullement une telle marque de respect. En même temps, comme on l’a déjà suggéré, le choix de « vous » conforte l’allégorie entre le chien et un « public » que le poète eût peut-être vouvoyé s’il s’était adressé à lui directement. L’apostrophe dépréciative initiale, « misérable chien », allait déjà dans cette direction, puisque l’expression est une métaphore lexicalisée, qui était déjà usuelle comme terme d’insulte au milieu du XIXe siècle. Ainsi, alors que « beau / bon / cher chien / toutou » ne pouvaient s’adresser qu’à un chien, « misérable chien » peut parfaitement viser un être humain, ou une entité collective comme le « public ». 

 

Tous ces procédés contribuent au comique du texte, et cette veine trouve sans doute son accomplissement dans la note grotesque qu’introduit la mention du très métaphorique « paquet d’excréments », l’analogue de toute littérature qui cherche à répondre au goût du public plutôt que de répondre aux exigences de l’art et de la poésie, ou du moins à l’idée que l’auteur s’en fait, sans se préoccuper de plaire au lecteur. On relève d’ailleurs que si le chien est réputé « flairer » les excréments, et non pas les « respirer » ainsi que son maître l’invitait à faire avec le parfum, c’est aussi parce que « flairer » est une action naturelle – tout comme les excréments sont un produit, aussi dégradé soit-il, de la nature –, tandis que « respirer un parfum » relève du culturel, du raffinement, de l’artifice. Ces choix lexicaux confortent ainsi le réseau métaphorique, qui oppose, d’un côté, la culture et l’artifice, à travers l’art du parfumeur-poète et l’aptitude à savoir l’apprécier pour ce qu’il est, et, d’un autre côté, la nature, avec les excréments, et le réflexe conditionné du chien, qui aime ce qu’il reconnaît, mais rejette tout ce qui est nouveau et inattendu, quelle qu’en soit la qualité intrinsèque. Ce faisant, la moralité de cette petite fable semble transparente, et la posture qu’adopte le maître amateur de parfums paraît s’assimiler à celle du « poète ». 

 

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Il est toutefois possible, comme l’a suggéré Steve Murphy dans son étude du « Chien et le flacon », que cet horizon métaphorique du texte n’en soit que l’allégorie « de surface », et qu’il y ait, sous le jeu des métaphores, un enjeu que l’on pourrait qualifier tout autant de « baudelairien » que l’opposition entre nature et culture/artifice, mais qui est plus complexe à cerner. Pour le dégager, il convient de rapprocher « Le chien et le flacon » du « Flacon », un poème en vers que Baudelaire publia le 20 avril 1857 dans La Revue française puis, peu après, dans la première édition des Fleurs du mal, et auquel il ne pouvait pas ne pas songer en composant son poème en prose : 

 

Il est de forts parfums pour qui toute matière 

Est poreuse. On dirait qu'ils pénètrent le verre. 

En ouvrant un coffret venu de l'Orient 

Dont la serrure grince et rechigne en criant, 

 

Ou dans une maison déserte quelque armoire 

Pleine de l'âcre odeur des temps, poudreuse et noire, 

Parfois on trouve un vieux flacon qui se souvient, 

D'où jaillit toute vive une âme qui revient. 

 

Mille pensers dormaient, chrysalides funèbres, 

Frémissant doucement dans les lourdes ténèbres, 

Qui dégagent leur aile et prennent leur essor, 

Teintés d'azur, glacés de rose, lamés d'or. 

 

Voilà le souvenir enivrant qui voltige 

Dans l'air troublé ; les yeux se ferment ; le Vertige 

Saisit l'âme vaincue et la pousse à deux mains 

Vers un gouffre obscurci de miasmes humains ; 

 

Il la terrasse au bord d'un gouffre séculaire, 

Où, Lazare odorant déchirant son suaire, 

Se meut dans son réveil le cadavre spectral 

D'un vieil amour ranci, charmant et sépulcral. 

 

Ainsi, quand je serai perdu dans la mémoire 

Des hommes, dans le coin d'une sinistre armoire 

Quand on m'aura jeté, vieux flacon désolé, 

Décrépit, poudreux, sale, abject, visqueux, fêlé, 

 

Je serai ton cercueil, aimable pestilence ! 

Le témoin de ta force et de ta virulence, 

Cher poison préparé par les anges ! Liqueur 

Qui me ronge, ô la vie et la mort de mon coeur ! 

 

En évoquant « un vieux flacon qui se souvient, / D'où jaillit toute vive une âme qui revient », puis en se représentant lui-même comme un « vieux flacon » qui préserve de l’oubli « ta force et de ta virulence », Baudelaire recourt à un cliché qui était relativement répandu chez les Romantiques, où le poème est souvent associé à un flacon, censé recueillir une expérience que 

l’écriture poétique transforme en oeuvre d’art, tout en la protégeant de l’injure du temps. Le flacon est ainsi tout à la fois un contenant et un contenu, une forme « artistique », aussi bien pour ce qu’il est que par ce qu’il renferme du fait même d’être ce qu’il est. La métaphore sur laquelle repose la clé interprétative du « Chien et du flacon » n’est donc pas particulièrement originale, contrairement à d’autres images auxquelles recourt le poète, dans d’autres pièces du recueil, comme les damnés portant leur chimère, dans « Chacun sa chimère », Mademoiselle Bistouri dans le texte éponyme, ou encore les analogues de l’artiste que sont, à des titres divers, les vieillards, les veuves, les pauvres ou les bouffons. 

Mais « Le flacon » ne joue pas seulement avec ce cliché romantique. Par rapport au « Chien et le flacon », il nous intéresse surtout pour l’association récurrente à laquelle il procède entre le thème du parfum et des motifs morbides, liés à la décomposition des corps et aux exhalaisons nauséabondes qui s’en suivent. Ce procédé est patent dans la description finale du poète-flacon, avec l’image du « vieux flacon désolé, / Décrépit, poudreux, sale, abject, visqueux, fêlé, » qu’on « aura jeté », comme s’il n’était plus qu’un déchet, une déjection, au sens étymologique du terme(8). De même, lorsque le poète se présente comme « le témoin de ta force et de ta virulence », il encadre cette mention, en soi positive, par des expressions aux connotations macabres, qui évoquent des odeurs désagréables et la décrépitude : « Je serai ton cercueil, aimable pestilence ! (…) / Cher poison préparé par les anges ! Liqueur / Qui me ronge, ô la vie et la mort de mon coeur ! ». Ces formules font écho en amont à « l'âcre odeur des temps, poudreuse et noire » (v.6) et aux « chrysalides funèbres » (v.9), qui avaient posé les premiers jalons de cette thématique. Et dans les vers qui précèdent immédiatement le final, le souvenir lui-même, qui s’exhale du flacon, s’il paraît sous un jour séduisant, quand le poète évoque « le souvenir enivrant qui voltige / Dans l'air troublé », conduit très vite à une impression de « Vertige », qui débouche sur l’image de « l'âme vaincue » tombant « vers un gouffre obscurci de miasmes humains », qu’amplifie une réécriture de la résurrection de Lazare, où alternent les motifs liés à l’odorat et à la mort : « Lazare odorant déchirant son suaire, / Se meut dans son réveil le cadavre spectral / D'un vieil amour ranci, charmant et sépulcral ». Le « parfum » conservé par le flacon apparaît ainsi comme indissociable des miasmes que dégage un corps en décomposition, et cette émanation corrompue a le privilège d’être aimable, tout en étant repoussante, comme le synthétise dans une formule très baudelairienne l’oxymore « aimable pestilence ». 

Ce réseau sémantique était annoncé implicitement dès l’incipit du « Flacon », par la mention des « forts parfums pour qui toute matière / Est poreuse ». En effet, cette dénomination fait écho aux parfums « corrompus, riches et triomphants » sur lesquels se clôt l’un des plus célèbres sonnets des Fleurs du mal, « Correspondances » : 

 

Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants, 

Doux comme les hautbois, verts comme les prairies, 

— Et d’autres, corrompus, riches et triomphants, 

 

Ayant l’expansion des choses infinies, 

Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens, 

Qui chantent les transports de l’esprit et des sens. 

 

Les deux premiers alexandrins, qui évoquent les « parfums frais », « doux » et « verts », accumulent des comparaisons plutôt convenues, dont la banalité même peut être mimétique de la « fraîcheur », au sens de « naïveté », de ces senteurs, tout comme elle peut aussi suggérer que des odeurs qui appellent des analogies (ou des « correspondances ») aussi communes sont sans grand pouvoir « poétique », ou d’un moindre pouvoir que ceux mentionnés dans les vers qui suivent. En comparaison, les « forts parfums » que sont les effluves « corrompus, riches et triomphants » contrastent avec les précédents, et les deux premiers produits que cite le poète, « l’ambre, le musc », nous intéresse tout particulièrement, dans le cadre d’un rapprochement avec « Le flacon » et « Le chien et le flacon ». En effet, l’ambre est une « substance organique molle, de couleur généralement cendrée, au parfum musqué, provenant des excrétions du cachalot et que l'on rencontre flottant sur les mers ou rejetée sur les côtes de certaines régions tropicales(9) » ; tandis que le musc est une « substance brune à l'odeur pénétrante, que l'on extrait des glandes abdominales de certains cervidés d'Asie centrale ». Les deux premiers exemples de « forts parfums » donnés dans « Correspondances » sont ainsi issus de sécrétions corporelles, et la première de déjections animales(10). 

 

Dans cette perspective, la réaction du chien dans « Le chien et le flacon » apparaît plutôt comme un complément ou un envers plus ou moins nécessaire, dans le cadre de l’imaginaire baudelairien, à l’attitude du maître ou, plus exactement, à l’appréciation d’un parfum réputé être « excellent »(11). Ainsi, l’allégorie transparente que le texte explicite dans sa dernière partie paraît bien ne pas être le seul horizon d’attente que le poème en prose met en place, et l’on peut même se demander si la transparence même de cette interprétation monologique n’est pas là pour dissimuler le lien qui semble exister entre un « fort parfum » et la scatologie ou, pour le dire en termes moins allégoriques, entre l’aspiration à la plus haute des poésies et le risque de n’écrire en fait qu’un « paquet d’excréments ». Cette crainte est également au coeur de pièces du Spleen de Paris telles que « Le Confiteor de l’artiste » ou « A une heure du matin », où elle reçoit un traitement encore plus explicite, puisque le poète se demande in fine s’il sera capable « de produire quelques beaux vers qui me prouvent à moi-même que je ne suis pas le dernier des hommes, que je ne suis pas inférieur à ceux que je méprise ». C’est sur cette interrogation centrale de la poétique baudelairienne que repose l’imagerie du « Chien et le flacon », ce qui lui confère une signification symbolique plus forte que ce que le texte lui-même veut bien en dire, et en fait une pièce moins anodine qu’elle n’est, même si cela n’en gomme pas l’impression première de simplicité qui s’en dégage, tant dans la nature de l’allégorie que dans les moyens poétiques qui la mettent en oeuvre.                                  

J.-M. GOUVARD 
 


Jean-Michel Gouvard est Professeur des Universités, spécialiste de la poésie moderne (1850-1950), auteur de manuels et d'ouvrages de vulgarisation, éditeur d'ouvrages collectifs (entre autres pour Larousse), directeur de collections, membre des jurys de concours, expert auprès de l'Agence Nationale de la Recherche et du Centre National du Livre (Ministère de la Culture), consultant auprès des éditions Slatkine (Genève), Champion (Paris) et Chadwick (Oxford, UK). 

 

 

NOTES 

 

1 Sonya Stephens, Baudelaire’s prose poems. The practice and politics of irony, Oxford University Press, 1999, p.22, cité et traduit de l’anglais par Steve Murphy dans Logiques du dernier Baudelaire. Lectures du "Spleen de Paris", Champion Classiques, 2007, p. 68. 

 

2 Les neuf premiers poèmes du recueil parurent ce jour-là dans La Presse, et les cinq suivants (pièces X à XIV) dès le lendemain, dans le numéro daté du 27 août. 

 

3 Pour une analyse de la structure actantielle de l’ensemble des poèmes, voir Jean-Michel Gouvard, Baudelaire. Le Spleen de Paris, Ellipses, 2014, § 46. 

 

4 D’autres fables mentionnent le chien dans leur titre, mais sans qu’il soit corrélé à une seconde entité, qu’il s’agisse d’un animal ou d’un objet. 

 

5 Jérôme Thélot, Baudelaire : violence et poésie, Gallimard, « Bibliothèque des Idées », 1993, pp. 19-38 ; Steve Murphy, op. cit., pp. 67-87. 

 

6 Les premiers poèmes des Fleurs du mal constituent un pastiche du dispositif suivant lequel étaient traditionnellement composés les recueils de poésie, ce qui implique une critique en acte des usages poétiques de ses aînés. 

 

7 Voir Maria Scott, « Baudelaire's Canine Allegories : "Le Chien et le Flacon" and "Les Bons Chiens" », Nineteenth-Century French Studies, vol. 33, n°1-2, 2004. 

 

8 Rappelons que le mot vient du latin dejectio, qui désigne l’« action de jeter vers le bas ». 

 

9 Cette définition, et la suivante, proviennent du Trésor de la Langue française, consultable sur le site du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales du C.N.R.S. et de l’A.T.I.L.F. 

 

10 On relèverait d’autres exemples, dans les textes de Baudelaire, de cette proximité entre le parfum et les miasmes. La première mention apparaît dès la fin de 1844, dans un poème que le jeune Baudelaire, qui a alors vingt-trois ans, joint à une lettre qu’il adresse à Sainte-Beuve (Correspondance, tome I, Gallimard, « Bibliothèque de La Pléiade », 1973, p.118) : 

 

J’en ai tout absorbé, les miasmes, les parfums, 

Le doux chuchotement des souvenirs défunts

 

On notera que, aux « miasmes » et aux « parfums », est également associé le motif des « souvenirs », tout comme dans « Le flacon ». 

 

11 Steve Murphy, dans l’étude mentionnée supra, observe que Baudelaire désignait parfois ses propres poésies de termes en lien avec la scatologie. Là encore, la première mention apparaît très tôt, dans une lettre adressée le 6 juillet 1845 à Théodore de Banville, où il qualifie ses poèmes de « torche-public » (Correspondance, tome I, op. cit., p.127).