Programme 2013 : Leçon

> Rousseau - Les Confessions (T.1 à 6)

"J'avais souvent travesti la religion à ma mode, mais je n'avais jamais été tout à fait sans religion" 

Leçon

Parce que Rousseau désigne les premières années passées aux Charmettes (livre VI) avec Mme de Warens comme « le court bonheur de sa vie », on oublie souvent que ce fut aussi une période où il fut presque constamment malade. Un « accident » survient un jour, une « tempête qui s’élève dans son sang » et le laisse en proie à des battements de cœur et des bourdonnements d’oreille constants. Rousseau croit alors sa fin proche et cette perspective va changer son regard sur le monde. Préoccupé par son salut, Rousseau déclare : « J’avais souvent travesti la religion à ma mode, mais je n’avais jamais été tout à fait sans religion » (p. 263). S’il ne s’agit pas là d’un aveu, à l’égal du vol du ruban ou de l’abandon de Le Maître, cette phrase est bien le fruit d’un examen de conscience portant sur une période de la vie de Rousseau antérieure à l’arrivée aux Charmettes - autrement dit 1735 ou 1736 – comme en témoigne l’emploi du plus-que-parfait.  Cette déclaration de Rousseau joue sur le mot « religion » en lui attribuant dans la première puis la seconde partie de la phrase deux sens distincts. Tout d’abord « religion » est synonyme de « dogme », de « doctrine » - on pense immédiatement à la conversion de 1728 - mais ensuite le terme « religion » semble plutôt désigner la morale et peut-être aussi la régularité d’une pratique religieuse. Ces deux sens instaurent donc une tension entre des errements doctrinaux et une constance dans la foi et la morale. Dans cet examen critique de son passé, Rousseau se donne un rôle actif, sujet du verbe « travestir », verbe qui dénote tout sauf le sacré, qui évoque sinon le mensonge et la fausseté, au moins le jeu et une inadéquation entre l’être et le paraître. Au moment où l’auteur Jean-Jacques Rousseau rédige ces pages, il est engagé dans des polémiques religieuses. Ainsi la rédaction des Lettres de la Montagne et de la Lettre à Christophe de Beaumont sont contemporaines du début de la rédaction des Confessions. Beaucoup reprochent à Rousseau sa liberté avec le dogme. La citation sur laquelle se fonde notre étude nous montre que cette indépendance n’est pas nouvelle, le jeune Rousseau traite déjà la religion à sa « mode ». En quoi le flottement du jeune Rousseau en matière de religion, loin de témoigner d’un relâchement moral, permet-il d’amorcer la quête d’une religion personnelle ?

 

Plan

 

1-      L’inconséquence religieuse du jeune Rousseau

2-      Le fil rouge d’une morale

3-      Sur la voie d’une religion idéale

 

1-      L’INCONSEQUENCE RELIGIEUSE DU JEUNE ROUSSEAU

 

a-      Le déguisement catholique

La conversion au catholicisme de Rousseau relève bien d’un travestissement dans la mesure où elle ne procède aucunement d’un rejet ou d’une remise en cause de sa religion de naissance, le calvinisme. Elle intervient dans le contexte d’une véritable guerre de la conversion entre Genève et la Savoie, une guerre dans laquelle il s’agit, d’un côté et de l’autre, de faire le plus grand nombre possible de nouveaux adeptes. Si à Genève, il existe une chambre des prosélytes examinant le cas d’individus souhaitant rejoindre les rangs du calvinisme, on remarque chez les catholiques une  organisation très structurée et redoutable. Du moment où il entre chez le curé de Pontverre, Rousseau est pris dans les filets d’un réseau qui va le mener à Annecy chez Mme de Warens – dont on attend qu’elle fasse à son tour de nouveaux convertis - puis à Turin à l’hospice des catéchumènes sans que le jeune homme réalise vraiment ce qui est en marche. Face à cette stratégie de conversion en masse, stratégie d’une efficacité redoutable puisque parti de Genève le 14 mars, Rousseau se retrouve « apostat et dupe » le 23 avril, il n’a aucune chance « Quelle rare force d’âme ne me fallait–il point à mon âge pour révoquer tout ce que jusque là j’avais pu promettre » (p. 69). Le séjour chez le curé de Pontverre est un piège. « Caresses, amusement et gourmandises » sont les armes déloyales qu’emploie le prêtre. Son hospitalité et sa bonté sont celles d’un manipulateur zélé : « Il profita du désir que j’avais de m’en éloigner, pour me mettre hors d’état d’y retourner ».  Que Rousseau perde sa qualité de citoyen de Genève importe peu au curé, il s’agit seulement de compter un catholique de plus « Honnête homme ou vaurien, qu’importait cela pourvu que j’allasse à la messe ? » C’est dire si la conversion est due moins à un sentiment sincère qu’à la jeunesse,  l’insouciance et la timidité du jeune genevois qui, ne mesurant pas ce qui va lui arriver, ne s’oppose pas franchement à ce qui est en train de se dessiner pour lui. « Je ne pris pas précisément la résolution de me faire catholique… je me figurais quelque événement imprévu qui me tirerait d’embarras » (p. 70) Une façon bien puérile de résoudre le problème…  A vrai dire, jusqu’à Turin, Rousseau est dans le déni, croyant trouver une issue et la prise de conscience de son « étourderie » intervient trop tard. Très tôt, Rousseau en conçoit des regrets : « l’étourderie » devient « l’action d’un bandit ».  De la même façon, il qualifie la conversion de Maman comme une « faute ». Prise de guerre des catholiques, Rousseau est donc condamné à en porter l’habit. On ne soulignera jamais trop à quel point ce déguisement subi est le fruit de la jeunesse, de l’enfance même, de la naïveté de Rousseau et qu’il ne recouvre point un cœur ardemment catholique.

 

 

b-      Le picaresque religieux dans Les Confessions

Les errements religieux du jeune Rousseau peuvent être liés à sa condition de picaro. En effet, quand il se présente à Confignon, Rousseau n’a plus d’attaches familiales, il est démuni et affamé. Quand il évoque « la faim qui [l]e talonnait » (p.51) et « le vin de Frangy » de M. de Pontverre, il attribue un motif trivial à la conversion. Se laisser faire est un moyen d’assurer sa survie dans l’immédiat, le picaro étant davantage dans une temporalité de la subsistance à court terme que dans une temporalité de la projection à long terme. En outre, la perspective du voyage à Turin, la perspective « de faire un voyage et d’avoir un but » (p. 51) flatte son goût de l’aventure et de la déambulation. « Je m’acheminais gaiement avec mon dévot guide et sa sémillante compagne. » « Nulle crainte, nul doute sur mon sort ne troublait ces rêveries . » (p. 62).  Peut-être même pourrait-on avancer l’hypothèse selon laquelle Rousseau se laisse convertir pour rendre irréversible son départ de Genève, ne jamais être en état de devoir retourner chez M. Ducommun et échapper par là à la cruauté de son sort chez ce maître trop sévère.  A Annecy, la jeunesse de Rousseau se laisse « séduire » par la perspective d’un miracle auquel il aurait participé par ses prières, explication métaphysique de l’issue heureuse d’un incendie qu’il rejettera par la suite (p. 133-135) De la même façon, au livre IV des Confessions, au temps de ses « plus grandes extravagances ». Rousseau va s’attacher à un archimandrite, grec et sans doute imposteur, non  pas qu’il souhaite vraiment recueillir de l’argent pour la religion orthodoxe, mais toujours parce que c’est une ouverture vers l’aventure. « Sans caution, sans sureté, sans connaissance, je me livre à sa conduite, et dès le lendemain, me voilà parti pour Jérusalem » (p. 172).

 

c-       Une conversion solide ?

Face à tant d’insouciance de la part du jeune Rousseau, le lecteur des Confessions est en droit de se demander si cette conversion est solide et sincère. Sur ce point, Rousseau se contredit. Nous pouvons lire à la page 100 « Quoique alors ma conversion fut peu solide, je ne laissais pas d’être ému », puis à la page 134 « Cependant, autant que je puis me rappeler mes idées, alors sincèrement catholique, j’étais de bonne foi ». Entre ces deux phrases, environ 18 mois se passent. Il semblerait que converti presque par accident, Rousseau va adhérer plus en profondeur à la fois catholique, qu’il va jouer le jeu du catholicisme. Pour transformer un acte subi en acte assumé ? En partie certainement mais surtout  pour rester avec Mme de Warens pour qui il ressent, sitôt rencontrée un véritable coup de foudre. « Rien n’échappa au rapide coup d’œil du jeune prosélyte ; car je devins à l’instant le sien, sûr qu’une religion prêchée par de tels missionnaires ne pouvait manquer de mener en paradis ». Le style parodique du passage souligne bien le caractère profane des motifs d’adhésion à la religion catholique. C’est la conversion qui a établi un lien entre Rousseau et la jeune femme, il ne saurait donc être question de le casser. On pourrait alors dire que la sincérité de l’amour de Petit pour Maman va se propager à sa foi catholique. Et dans les années qui suivent, le bonheur de vivre auprès d’elle, la rencontre d’hommes d’Eglise catholiques excellents hommes –Mgr de Bernex bon évêque » et « saint homme », le père Caton, l’abbé Palais -  la pratique de la musique dans le cadre de l’Eglise, tout cela va nourrir la foi nouvelle de Rousseau. Que conclure ? Que certes, les motifs de la conversion sont d’abord la naïveté puis l’attachement amoureux mais qu’à aucun moment on ne peut soupçonner Rousseau d’hypocrisie.

 

 

T : Les conditions et les suites de la conversion de Rousseau semblent donc bien témoigner d’une certaine légèreté : il s’est mal défendu contre les attaques du curé de Pontverre et s’il a ensuite épousé la foi catholique, c’est pour vivre auprès de Mme de Warens. En dépit de tout cela, Rousseau va manifester une certaine constance, voir une entière cohérence dans son attitude face à la religion.

 

2-      LE FIL ROUGE D’UNE MORALE

 

a-      Fidélité à la religion de naissance

Quand Rousseau nous dit à la page 134 des Confessions, œuvre de transparence et de vérité, que sa foi catholique était sincère, pourquoi ne le croirait-on pas ? Cependant, nous observons à plusieurs reprises que l’enseignement calviniste reçu dans l’enfance a profondément marqué J.J et guide nombre de ses réflexions. Elevé dans « l’aversion » du catholicisme « affreuse idolâtrie » dont l’intolérance lui procure un « frémissement de terreur et d’effroi », il parle ainsi de « crapule monastique », du « maintien cafard et effronté des moines » et sur un mode satirique ajoute « il faut bien mentir quand on est évêque ». Le père Caton est « un moine mais un moine homme de mérite » ce qui sous-entend qu’à l’ordinaire, le mérite n’est pas le propre des moines. La façon dont Rousseau décrit le baptême du faux maure, véritable professionnel de l’apostasie, à Turin montre que tout dans la religion catholique est marqué par la fausseté et le mensonge. Toujours à Turin, Rousseau se montre réfractaire face aux efforts de ceux qui veulent son reniement, cherche même à inverser les rôles. En effet, pour Rousseau, il y a une supériorité du protestantisme, religion dans laquelle on doit se « décider » sur le catholicisme qui n’attend de ses fidèles que de la soumission (p. 70). Le calvinisme est idéalisé, il fait partie de la vie obscure et dorée qu’imagine Rousseau à la fin du livre I (« J’aurais passé dans le sein de ma religion une vie paisible et douce »p. 46). Aussi ne s’étonne-t-on pas que notre auteur y soit revenu en 1754, le calvinisme, au-delà des péripéties de l’existence reste sa religion. On pourrait interpréter tous ces faits comme une nouvelle incohérence d’un Rousseau devenu catholique et encore calviniste dans son coeur, il faut plutôt y voir, à l’échelle de son existence, une fidélité aux enseignements de la religion de naissance.

 

b-      Moralité de Rousseau

Pour Rousseau –et sur ce point il s’oppose à une tradition qui commence avec Pierre Bayle- il y a un lien fort entre religion et morale. Ses principes de morale lui viennent d’hommes d’Eglise, le pasteur Lambercier, M. Gaime (p. 99-100 « Ses leçons furent dans mon cœur un germe de vertu et de religion ») et M. Gâtier. Or, dans Les Confessions, Rousseau ne cesse de faire la démonstration de sa bonté, protecteur de son cousin Abraham Bernard (p. 14), manifestant une absence totale de malignité et ne pensant pas à « voler le voleur » dans l’affaire des asperges (p. 36), affirmant « Je n’ai jamais été dissolu ni crapuleux » (p. 311), « Je devins polisson mais non libertin » (p. 67) et faisant la preuve à plusieurs reprises de son dégoût pour la corruption et la débauche (Lyon et Turin). Même quand Rousseau commet de petits larcins, c’est par timidité, phobie de l’argent et de la médiation. Jamais sa morale n’apparaît vacillante, c’est en cela qu’il peut dire qu’il n’a jamais été « tout à fait sans religion ». La morale étant indissociable de la religion, l’être moral ne peut être un homme sans religion. Et cela d’autant plus que sur le plan de la morale, le clivage entre catholicisme et calvinisme tombe. Il y a des différences concernant le culte et la révélation mais ces deux religions prêchent une même morale (« Chacun doit faire le bien et éviter le pêché, c’est-à-dire tout manquement à la morale d’amour prêchée par Jésus-Christ » cf.  F.Lebrun L’Histoire, 1997, p. 25).

 

c-       Rôle primordial de la conscience

Il y a en Rousseau « un principe inné de justice et de vertu (…) sur lequel nous jugeons nos actions (…) comme bonnes ou mauvaises ». Ce principe s’appelle la conscience et il est, avec l’enseignement moral reçu dans le cadre de la religion, ce qui maintient Rousseau dans le chemin du bien. C’est la conscience qui fait ressentir à Rousseau une honte profonde de ses fautes morales, telle que l’accusation portée à la jeune Marion sur le vol du ruban. On peut citer aussi la honte ressentie face à la perspective de récupérer les vêtements de Claude Anet après son décès, « sentiment bas et malhonnête ». Concernant l’enfer et la probabilité de s’y retrouver, et en dépit de la terreur que lui inspirent des ouvrages jansénistes, Rousseau écrit « Selon ma conscience, il me paraissait que non ». La conscience est donc le principe supérieur qui aide Rousseau à se déterminer du point de vue moral, un principe au-delà d’une religion car lui est intangible et parce que Rousseau se révèle incapable d’adhérer à des principes doctrinaux si sa conscience lui dit le contraire.

 

 

T : Si l’on considère les péripéties de l’histoire de Rousseau, sa conversion peut donner une impression d’inconséquence, mais il ne se départit jamais de principes moraux stricts, est à l’écoute d’une conscience forte et reste empreint par une vision du monde venue de sa religion de naissance. La conversion et les très nombreux courants religieux du 18ème siècle vont cependant faire réfléchir Rousseau et le pousser à définir une religion personnelle.

 

3-      SUR LA VOIE D’UNE RELIGION IDEALE

 

a-      Le modèle de Mme de Warens

La constitution d’une religion personnelle chez J.J Rousseau doit beaucoup au modèle de Mme de Warens  « plus utile que tous les théologiens »  et qui elle aussi avait une tendance à trier et à ne retenir de la religion que ce qui la convainquait  pleinement. Tout ce que nous dit Rousseau de la religion de sa bienfaitrice, essentiellement entre les pages 263 et 266 des Confessions, ne peut pas cependant s’appliquer à lui-même. Quand il évoque son « système », composé « d’idées disparates » et parfois « très folles », il émet là un jugement critique. Mme de Warens pourrait comme Rousseau s’en accuse lui-même, être vue comme une femme qui travestit la religion « à sa mode ». On peut lire à la page 265 « Fidéle à la religion qu’elle avait embrassée, elle en admettait sincèrement toute la profession de foi ; mais quand on en venait à la discussion de chaque article, il se trouvait qu’elle croyait tout autrement que l’Eglise, toujours en s’y soumettant ». Les contradictions de Mme de Warens, ses « bizarreries » sont sans doute en partie le fruit d’une éducation protestante, doctrine qui « exige la discussion » (p. 70). Si sincère soit sa conversion, cela n’éteint pas les questions  « Elle ne savait que faire de l’âme des méchants » ni la réflexion, réflexion qui demande chez elle à tout « mettre en système ».  Dans les grandes lignes, ce raisonnement vaut pour le jeune Rousseau et c’est donc auprès de Mme de Warens qu’il a appris le principe d’indépendance par rapport au dogme.

 

b-      Un patchwork religieux

S’il est nécessaire pour Rousseau de se créer une religion personnelle, c’est qu’au-delà du calvinisme de son enfance et de la pratique du catholicisme auprès de Mme de Warens, il a été exposé à de nombreux courants religieux tout au long de sa jeunesse. Parmi ces courants qui viennent encore compliquer le rapport de Rousseau à la doctrine, on peut citer le piétisme de sa tante Bernard ,« Ma tante était une dévote un peu piétiste qui aimait mieux chanter les psaumes que veiller à notre éducation ». Le piétisme est mentionné pour être rejeté, on voit que Rousseau reproche à sa tante un certain enfermement en Dieu et l’oubli du monde extérieur, cependant il constitue l’un des éléments qu’a dû digérer Rousseau pour constituer sa propre religion. En Savoie, Rousseau va avoir l’occasion d’opposer la « morale douce » des jésuites » à d’effrayants écrits jansénistes « ceux de l’Oratoire et de Port-Royal ».  La contradiction existe même à l’intérieur de la foi jésuite car si sa morale est douce, il s’agit en même temps d’une « doctrine dangereuse ». Quant au jansénisme, il  est puissant en Savoie, Rousseau a dû en rencontrer plusieurs représentants, et en particulier M. Gaime. Rousseau avoue être devenu suite à ces lectures « demi-janséniste ».  C’est que l’influence de ces idées est forte, la terreur de l’enfer affecte son état de santé déjà chancelant mais sa conscience, principe au-delà des dogmes lui souffle que Dieu ne peut être que bienveillant.  Est évoqué aussi Fénelon  (p. 263) admiré du jeune Rousseau, toujours pour s’étonner de certaines contradictions « L’un des étonnements dont je ne reviens point est de voir le bon Fénelon (…) parler [de l’enfer] dans son Télémaque comme s’il y croyait tout de bon ». La religion de Rousseau est donc d’abord l’assimilation puis surtout le dépassement de tous ces courants qui irriguent le 18ème siècle chrétien.

 

c-       Les articles de la foi rousseauiste

Si on se réfère à la Profession de foi du vicaire savoyard (1762), on verra les principes d’une religion naturelle dans laquelle « l’individu est libre de croire à ce qu’il sent être vrai et de rejeter ce qui n’est pas conforme à la raison » (cf. article « religion » du Dictionnaire de Jean-Jacques Rousseau). Dès les premiers livres des Confessions, il est déjà possible d’en voir les prémices.  A l’exemple de Mme de Warens qui « aurait fait maigre entre Dieu et elle », Rousseau veut une religion sans intermédiaire entre la divinité et lui. Voyons sa conception de la prière p. 271 « Je n’ai jamais aimé à prier dans la chambre ; il me semble que les murs et tous ces petits ouvrages des hommes s’interposent entre Dieu et moi », aussi la nature est-elle le véritable temple de Dieu et ce qui nous inspire le sentiment du divin. Car c'est le sentiment , plus que la raison qui prouve l'existence de Dieu, sentiment qui se déploie quand Rousseau est au centre de la nature.D’autre part, les actes priment sur la croyance, et sur ce point Rousseau se distingue de « toute religion dogmatique « (p. 50). On lit à la page 272 "Je savais qu'auprès du dispensateur des vrais biens le meilleur moyen d'obtenir ceux qui nous sont nécessaires est moins de les demander que de les mériter". C’est d’ailleurs pour cela que Rousseau a en horreur la dévotion en laquelle il ne voit que des « simagrées ». Autrement dit, le dogme n’est pas primordial, au contraire de la morale, composante essentielle de la religion. 

 

Même au temps des « extravagances » de sa jeunesse, Rousseau n’a jamais été en rupture avec des principes moraux transmis par l’éducation, l’exemple familial, plusieurs hommes d’Eglise et aussi Mme de Warens. Mais le hasard de la conversion, la tradition protestante de la dispute l’existence de nombreux courants religieux catholiques comme protestants ont poussé le jeune homme à une réflexion qui aboutira à la définition d’une religion personnelle. Avant les années 1735-1736, Rousseau n’en est pas encore à écrire La Profession de foi du vicaire savoyard mais il manifeste déjà un désir d’indépendance par rapport à la doctrine. La question de la religion de Rousseau est en tout cas complexe, ainsi la démarche qui vise à écrire ses Confessions peut sembler d’obédience catholique –puisque la confession est une pratique catholique- mais certains travaux sur Rousseau rapprochent cet ouvrage de récits de vie intérieure piétistes. FV